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Crise migratoire : que faire sachant que l'aide au développement ne suffit pas (et est parfois contre-productive )

Je lisais un article d'Anne Genetet, députée LREM de la 11ème circonscription des Français de l'étranger, et je tenais à lui répondre sur un point.

Ses intentions sont bonnes, et la conclusion juste : si les pays d’Afrique ne se développent pas assez vite tandis que le continent devrait passer de 1 à 2 milliards d’habitants d’ici à 2050, alors ce ne sont pas des dizaines de milliers de migrants qui voudront venir trouver une vie meilleure en Europe , mais possiblement des dizaines de millions. Le progrès technologique rendra alors les embarcations de fortune plus fiables, et je vois mal ce qui empêchera les migrants de débarquer toujours plus nombreux en Europe.

Surtout que le gros de la croissance démographique se fera dans des pays francophones qui possèdent de larges diasporas en France.

Anne Genetet cite l’aide au développement comme réponse de la France, mais je pense qu’il ne suffit pas juste d’augmenter cette aide, encore faut-il se demander à quoi elle sert, et si elle est utile.

Et à vrai dire il existe un tabou de l’échec ds le milieu de l’aide au développement. Certains observateurs sont très critiques.

On peut citer le livre de référence sur le sujet de la Zambienne Dambisa Moyo : Dead Aid: Why Aid Is Not Working and How There Is a Better Way for Africa (en Français ici), où elle dit notamment « qu’entre 1970 et 1998, quand le flux d’aide était à son maximum, le taux de pauvreté en Afrique s’est accru de façon stupéfiante : il est passé de 11% à 66%. »

Pour Dambisa Moyo, les prêts à des conditions très favorables et les subventions (pour les secours d’urgence) ont des effets comparables à la possession de ressources naturelles précieuses: ils encouragent la corruption et sont source de conflits tout en décourageant la libre entreprise.

On peut aussi évoquer les thèses de « l’africaniste » qu’a cité E. Macron lui-même : Stephen Smith. Voici ce que rapporte le Figaro :

« Pour Stephen Smith, nous ne sommes qu’à l’aube des grands mouvements migratoires du XXIe siècle. Il se base sur des prévisions démographiques implacables: en quelques dizaines d’années, l’Afrique a connu une explosion démographique sans précédent. De 150 millions d’habitants dans les années 1930, elle est passée à 1,3 milliard de personnes aujourd’hui. Et en 2050, Stephen Smith anticipe un nouveau doublement de la population africaine, qui devrait passer à 2,5 milliards de personnes »

« C’est le relatif «décollage» de l’Afrique qui favorise les migrations
À cet égard, Stephen Smith décrit un «misérabilisme aveugle à l’égard de l’Afrique». Le chercheur nuance le raccourci fréquent selon lequel les migrants forment un bloc monolithique de «pauvres» qui «fuient» leur pays. «Ne fuit pas qui veut», souligne-t-il. «Les plus pauvres parmi les pauvres n’ont pas les moyens d’émigrer. ils n’y pensent même pas. Ils sont occupés à joindre les deux bouts, ce qui ne leur laisse guère le loisir de se familiariser avec la marche du monde et, encore moins, d’y participer.»

Pour le chercheur, «deux conditions majeures doivent être réunies pour déclencher la ‘ruée vers l’Europe’».

La première, c’est le franchissement «d’un seuil de prospérité minimale par une masse critique d’Africains». Stephen Smith estime que la somme minimale nécessaire au départ se situe entre 1500 et 2500 euros, «soit une ou plusieurs fois le revenu annuel dans tel ou tel pays subsaharien».

La seconde condition est «l’existence de communautés diasporiques, qui constituent autant de têtes de pont sur l’autre rive de la Méditerranée». La diaspora facilite l’installation, l’orientation du migrant, voire l’obtention de son premier emploi. »

« L’aide au développement alimente la migration
C’est l’une des conséquences du point qui vient d’être évoqué: contrairement à ce qui est régulièrement avancé, l’aide au développement ne limite pas l’immigration. Au contraire, elle la favorise, estime Stephen Smith. Selon lui, «les pays riches se tirent une balle dans le pied. En effet, du moins dans un premier temps, ils versent une prime à la migration en aidant des pays pauvres à atteindre le seuil de prospérité à partir duquel leurs habitants disposent des moyens pour partir et s’installer ailleurs. C’est l’aporie du ‘codéveloppement’, qui vise à retenir les pauvres chez eux alors qu’il finance leur déracinement», écrit-il dans son ouvrage. »

« Très critique à l’égard du codéveloppement, il estime que celui-ci n’a pas provoqué de décollage dans les pays qui en bénéficient, contrairement à d’autres pays comme la Chine ou l’Inde, dont le dynamisme économique ne doit rien à ces politiques. «Les cyniques se consoleront à l’idée que l’aide a rarement fait advenir le développement mais, plus souvent, servi de ‘rente géopolitique’ à des alliés dans l’arrière-cour mondiale» note-t-il. »

« Du plus optimiste au plus noir, quelques scénarios possibles:
Avec tous ces éléments en main, Stephen Smith dessine plusieurs scénarios susceptibles d’émerger à l’avenir. Le plus optimiste -le scénario d’une «Eurafrique»- aboutirait à une Europe accueillante, multiculturelle, qui «s’accepterait pleinement comme une terre d’immigration et embrasserait son ‘métissage généralisé’». Mais pour lui, l’«Eurafrique» signifierait surtout la fin de la sécurité sociale en Europe ; En effet, «l’État social ne s’accommode pas de portes ouvertes, d’où l’absence historique d’une sécurité sociale digne de ce nom aux États-Unis, pays modèle d’immigration.»

« Un autre scénario serait celui de «l’Europe forteresse». Une bataille généralement considérée comme «perdue d’avance», voire «honteuse», estime-t-il. C’est pourtant celui-ci qui a «ses raisons et ses chances d’aboutir», selon lui. C’est celui des conventions bilatérales signées avec les pays de départ ou les pays de transit, comme la Turquie ou la Libye (par des accords avec les seigneurs de guerre de ce pays sans appareil étatique fonctionnel). «Soudain, l’été 2017, le flot des migrants venus de Libye a aussi brusquement baissé que les 6 milliards d’euros octroyés à la Turquie ont colmaté le flanc sud-est de l’Europe», écrit-il. Mais au regard de l’ampleur des déplacements migratoires à venir, «toute tentative purement sécuritaire est vouée à l’échec», conclut-il. »

Donc on est en face d’un phénomène migratoire majeur qui ne semble que pouvoir s’accroître dans les années à venir, et qui devrait cibler préférentiellement la France du fait de la francophonie. Dans cette perspective, simplement maintenir ou augmenter l’aide au développement telle qu’elle est pensée actuellement semble très largement insuffisant !

Idée pour E. Macron : lancer des assises de l’aide au développement, convier Dambisa moyo et d’autres comme Serge Michailof, ancien de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement (AFD) et Alexis Bonnel qui a suivi le même parcours, qui avaient écrit « Notre maison brûle au Sud, que peut faire l’aide au développement ? »

Dov Zerah, ancien directeur de l’Agence française de développement (AFD) a dit que « ce sont les entreprises et non les ONG qui doivent prendre toute leur place dans l’aide au développement ».

Une autre idée qui me passe par la tête : lancer un VIE entrepreneur pour envoyer des Français en Afrique francophone : l’état aide à financer un VIE et octroie aux entrepreneurs partis en Afrique développer des entreprises du capital libéré en plusieurs fois au gré de l’atteinte d’objectifs.

Une autre idée : donner des incitations à des accélérateurs d’entreprise comme The Family en France à s’établir dans les pays d’Afrique.

Le manque de services et d’infrastructures est un problème mais aussi un défi, une opportunité pour les startuppers, il n’y a qu’à regarder le dynamisme des startups en Inde ou en Asie du Sud Est qui croissent non pas grâce à l’état (à la différence de la Chine) mais en dépit de l’état.

Les licornes de demain seront africaines, la France peut aider à en mettre certaines sur orbite en incitant de jeunes français à aller y entreprendre !